Arlit doit se préparer à un nouveau destin

Un reportage sur les perspectives d'Arlit après les mines

Les populations s'inquiètent sur l'avenir de la ville d'Arlit après la fermeture des mines. La ville a été créée de toutes pièces pour l'exploitation de l'uranium, et compte aujourd'hui plus de 100000 habitants dans une zone aride. Quelles sont les perspectives envisagées, l'ONG AGHIRIN'MAN s'inquiète pour l'approvisionnement en eau, électricité...

Azelik, décembre 2016, des fièvres suspectes

Les habitants s'interrogent sur la responsabilité de la mine d'uranium

L'équipe d'Aghirin'man contrôle la radioactivité des déchets de la SOMINA
L'équipe d'Aghirin'man contrôle la radioactivité des déchets de la SOMINA

 

Almoustapha ALHACEN, président de l’ONG AGHIRIN’MAN (ARLIT, Niger) a signalé une situation sanitaire préoccupante dans le village d’AZELIK (région d’Agadez) et les campements alentour. Les habitants s’interrogent sur la responsabilité de la mine d’uranium .

 

 

 

Almoustapha ALHACEN : « Depuis le 4 janvier 2017, il a été signalé dans le village d'Azelik où est installée la SOMINA qui exploite l'uranium, des morts de personnes suite à une forte fièvre, des maux de tête et vomissements. Selon les informations plus de 300 personnes souffraient de ces symptômes et six personnes en sont mortes. Nous avons été interpellés par des personnes pour savoir s'il n y a pas de lien avec la situation minière.»

 

La mine d’uranium n’a fonctionné que quelques années. A-t-elle déjà entrainé une contamination environnementale notable ?

 

Pour Bruno Chareyron, directeur du laboratoire de la CRIIRAD (Commission de Recherche et d’Information Indépendante sur la Radioactivité) [1] : « la société chinoise SINO-URANIUM, à travers sa filiale la Société des Mines d’Azelik (SOMINA), a ouvert une mine d’uranium à Azelik, dans la commune d’Ingall, zone de la cure salée à environ 150 km au nord-ouest d’Agadez . A partir de 2007, le site a été progressivement mis en exploitation, avec la construction d’une première usine « pilote » (actuellement abandonnée) puis d’une usine d’extraction de l’uranium qui a produit ses premiers fûts de concentré d’uranium début 2011. La production est actuellement arrêtée du fait de l’effondrement des cours de l’uranium, mais la contamination radiologique et chimique est bien présente. L’étude conduite en 2015 par la CRIIRAD avec la participation des ONG AGHIRIN'MAN, OUGBOUL OUNFAS, SAHARA-ELIKI et AREN a permis de constater une situation environnementale préoccupante à Azelik. Des déchets radioactifs sont à l'air libre (stériles uranifères et résidus d’extraction de l’uranium) comme d’ailleurs les cendres de la centrale thermique qui contiennent des métaux lourds tels que aluminium, chrome, plomb, titane. Les animaux d'élevage s'abreuvent d'eau contaminée par des métaux lourds (aluminium, arsenic, etc) et des éléments radioactifs (uranium et ses descendants). Des effluents liquides ont été déversés directement dans l'environnement. La population va même récupérer des toiles radioactives sur le site industriel SOMINA pour s’en servir de bâches, etc.. ».

La population d'Azelik utilise des toiles radioactives de la mine d'uranium
La population d'Azelik utilise des toiles radioactives de la mine d'uranium

 Cette contamination pourrait-elle être un des facteurs expliquant les pathologies constatées actuellement à AZELIK ? Pour tenter de répondre à cette question, il faudrait en préalable avoir un diagnostic précis de ces pathologies ? La situation n’est pas très claire à ce sujet.

 

En effet, dans la région de Tahoua, qui jouxte la région d’Agadez au sud-ouest, le Ministère de la santé du Niger a notifié à l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), le 30 août 2016, des décès inexpliqués de personnes ainsi que des décès dans le bétail. La FVR (Fièvre de la Vallée du Rift) aurait été diagnostiquée chez certains patients. Le bulletin du 14 décembre 2016 de l’OMS [3] comptabilise 384 cas suspects et confirmés et 33 décès dans la région de Tahoua depuis le 8 août 2016. Le bulletin précise « Le district de Tchintabaraden reste toujours le plus touché avec 66% des cas et concentre 45% des décès notifiés ». Tchintabaraden est situé à environ 200 kilomètres au sud sud-ouest d’Azelik.

 

Mais les bulletins de l’OMS laissent planer le doute sur la nature exacte des pathologies. Le bulletin du 24 novembre 2016 [4] indiquait : « Étant donné que plus de 90% des échantillons ont donné des résultats négatifs pour une infection récente par la fièvre de la vallée du Rift » « et comme les femmes au foyer et les enfants représentent une part croissante de la population touchée, il faut élargir l’enquête pour identifier d’autres causes possibles. À cet égard, on met actuellement au point un protocole d’enquête adapté recouvrant les maladies infectieuses et non infectieuses ainsi que les agents chimiques et les toxines. »

 

Le bulletin du 14 décembre 2016 [3] confirme que la Fièvre de la Vallée du Rift ne permet d’expliquer qu’un nombre limité de cas  : « Au total depuis le début de l’épidémie, quatorze cas seulement sont revenus positifs à la FVR (Sérologie et Virologie moléculaire) provenant de deux districts de la région sanitaire de Tahoua à savoir les districts sanitaires de Kéita et de Tchintabaraden ». De quelle pathologie souffrent alors les autres malades ?

 

La confusion est renforcée par le fait que pour le secteur d’Azelik, touché plus récemment par des fièvres (a priori depuis le 20 décembre), les autorités n’évoquent pas la FVR. Le Ministère de la Santé du Niger cité par l’agence de presse APA [2] invoque le paludisme et la pneumopathie due au froid : « Au total, 313 personnes ont été consultées du 4 au 5 janvier 2017 dont 102 positifs au test rapide du paludisme, le reste des malades se plaignant pour la plupart, de pneumopathie et de rhume. Ces affections respiratoires sont favorisées par la vague de froid intense de ces derniers temps ».

 

Cette situation interpelle les habitants d’Azelik qui font tout de suite un lien avec les conséquences de l’exploitation de l’uranium à AZELIK.

 

Selon l’OMS [4]  : « Cette flambée épidémique a également coïncidé avec le rassemblement annuel de la Cure Salée à Ingall (près d’Agadez), dans la région de Tahoua, où se retrouvent des éleveurs nomades venus avec leurs bêtes du Niger et de pays voisins. D’après les estimations, 2 millions de bêtes et de petits ruminants se trouvaient dans la zone touchée au début de la flambée épidémique ».

 

Pour Bruno CHAREYRON, " la mine et l’usine d’extraction de l’uranium ont gravement perturbé l’environnement à AZELIK. Les animaux et les humains sont désormais exposés de manière chronique à des métaux lourds dont certains sont en outre radioactifs et à des substances chimiques présentes dans l’air ambiant et certaines eaux. Sur le long terme, l'exposition qui en découle pour les animaux et les populations est de nature à affaiblir les défenses immunitaires et à induire un certain nombre de pathologies cancéreuses et non cancéreuses. L’enquête conduite sur le terrain en avril 2015 par l’ONG AREN a confirmé que les éleveurs locaux déplorent le décès inexpliqué de centaines d’animaux ces dernières années. Ce qui se passe à Azelik est profondément choquant. Il faudrait exiger de l’exploitant de la mine d’uranium un minimum de travaux de  confinement des déchets radioactifs et de réaménagement du site industriel ".

Cadavre de dromadaire dans la mare du forage de Joumoumourout
Cadavre de dromadaire dans la mare du forage de Joumoumourout

 L’exploitation de la mine d’uranium de la SOMINA a manifestement apporté plus de désagréments que de bien-être aux populations de la région.

 

Selon Almoustapha ALHACEN « La pauvreté s'est aggravée dans le village, il y trois mois le président de la CNDH (Commission Nationale des Droits Humains) était en visite à Azelik et dans une interview qu'il a accordé au journal "AIR-INFO" , il a déploré la situation et a envoyé cinq tonnes de vivres pour aider les populations. Le 6 janvier 2016, la primature du Niger a distribué des vivres à la population d'Azelik ».

 

Non seulement les populations d’Azelik se trouvent toujours dans une grande pauvreté, mais avec en plus désormais un environnement dégradé, un cheptel affaibli, et une exposition chronique à des substances toxiques.

 

[1] La CRIIRAD a réalisé des contrôles à AZELIK (rapport CRIIRAD N°15-58 : Mission de contrôles radiologiques dans l’environnement de la mine d’uranium SOMINA à AZELIK (Niger), 15 décembre 2015. Cette étude a été réalisée avec le soutien financier de CARE DANEMARK.)

[2] http://www.apanews.net/index.php/fr/news/Niger-Sant%C3%A9

[3] OMS : Rapport de la situation épidémiologique DE LA FIEVRE DE LA VALLE DU RIFT AU NIGER, 14 Décembre 2016.

[4] OMS : http://www.who.int/csr/don/24-november-2016-rift-valley-fever-niger/fr/

 

Lexique

La cure salée est un rassemblement annuel traditionnel des éleveurs nomades et transhumants du Niger en saison des pluies en vue de fournir l’alimentation en sels minéraux nécessaire à la santé et à la reproduction des ruminants ; c’est aussi une occasion de fêtes traditionnelles et de retrouvailles des familles.

 

Mise à jour A.H. janvier 2017